Colloque de l’Association d’Études Médico Psychologiques et Religieuses
Colloque de l’Association d’Études Médico Psychologiques et Religieuses
À Dieu, ils préfèrent un paradis terrestre
les 8 et 9 juillet à Montréal
À Dieu, ils préfèrent mieux, ou plus, ou autre chose. Certains nous disent adieu, attachent leur ceinture et montent tout droit au Paradis. Mais pour d’autres, le Paradis est celui des origines, celui qui a existé dans le temps passé et qu’il faut se réapproprier tout de suite, dans le temps présent. Si le Paradis est quelquefois dans l’au-delà, il est aussi, et surtout, sur terre. C’est un espace géographique ou politique que l’on veut recréer à l’image des origines. Ce n’est plus Dieu qui consent à accorder son bien, c’est Adam qui a tendu la main pour se l’approprier. Le bien autrefois accordé par Dieu devient un bien auto-attribué sur un mode narcissique.
Seul compte cet espace idyllique où se déploie l’amour de soi, protégé par une muraille aux contours très précis. Au-delà de celle-ci, c’est l’espace sans foi ni loi des animaux sauvages, des mécréants, des terroristes.
Dieu peut aussi représenter toutes les formes de croyances auxquelles …on continue de croire. Puis un jour, c’est la chute; on n’est plus très sûr de croire. Il faut alors se donner le paradis, le gain immédiat comme nouvelle raison de croire. Mais ce paradis est aussi un enfer parce que, pour se convaincre soi-même, il faut vaincre les autres, souvent en les envoyant ad patres, c’est-à-dire en allant quelquefois jusqu’à nier leur existence symbolique et matérielle.
Entre Dieu et le paradis immédiat, entre chaque religion et son intégrisme, entre chaque croyance et son simulacre, il y a un petit pas à peine perceptible. Comment distinguer aisément entre une croyance et sa version narcissique? Les intégristes ont-ils un dieu?
La difficulté avec l’intégrisme, c’est qu’il réussit très souvent à se faire passer pour la religion dont il est issu en prétendant défendre cette religion. Il tire justement toute sa force de ce quiproquo. L’islamiste se présente comme le critère de l’islam, le sioniste se présente comme le stade suprême du judaïsme. Mais l’islamiste est-il vraiment musulman? Le sioniste est-il vraiment juif? Ou se sont-ils appropriés un territoire, religieux et/ou géographique, pour leur propre compte et non plus en hommage à Dieu?
De façon plus générale, le défenseur d’une croyance est-il forcément de cette croyance? Celui qui dit défendre la démocratie est-il démocrate? Celui qui prétend défendre la laïcité est-il vraiment laïc? Celui qui défend la liberté d’expression est-il vraiment un adepte de la liberté d’expression? Il y a un petit déplacement, à chaque fois, qui est troublant. Comment comprendre ce rapport de représentation métaphorique qui laisse dans l’embarras?
Si chaque croyance a un dieu, un père, une foi, peut-on imaginer que le projet politique défenseur de cette croyance serait à l’image du destin d’Œdipe prenant le pouvoir dans Thèbes après avoir trucidé son père? Ou bien est-il plutôt à l’image de Créon qui entre résolument dans le champ politique en écartant radicalement le religieux? Un projet politique défensif est-il le signe, su ou insu, que le refoulement de la croyance est consommé?