Calculer Oedipe

Calculer Oedipe

avril 25, 2021 0 Par Karim Richard Jbeili

Calculer Oedipe

Karim Jbeili

saint-sigismond

Saint Sigismond de Bourgogne

Au fond du puits

Saint Sigismund, éponyme de notre illustre fondateur était un roi burgonde ; un de ceux qui contribuèrent à la chute de l’empire romain. Il est surtout connu pour avoir tué son fils. Cet infanticide l’amena à se convertir au christianisme et à demander sans cesse à Dieu de ne pas mourir avant que d’avoir expié son péché.

Dieu, dans sa subtilité, exauça son vœu d’une manière surprenante. Clovis, roi des Francs, avait épousé Clotilde, cousine de Sigismund. Mais comme les liens de parenté n’étaient pas, du moins à cette époque, teintés d’une très grande cordialité, Clovis partit en guerre contre son beau-cousin, le vainquit, détruisit son royaume et, pour mettre un comble à son ignominie, l’enterra vivant dans un puits où il eut, sans doute, tout le loisir de constater que son châtiment était à la mesure de son crime.

Freud connaissait-il l’histoire, si œdipienne, de ce saint dont il tirait son nom ? Toujours est-il, qu’à son insu ou non, il était traversé par l’œdipe tant dans son complexe familial que dans la phylogenèse de son nom. Tant il est vrai que l’œdipe, s’il est recréé à chaque génération, n’en est pas moins transmis sous des formes particulières à chaque culture, par des mythes qui structurent la pensée et le désir.

Œdipe assoupli

L’œdipe est, au fond, le désir du désir de l’autre. Par cette formulation issue du mythe du maître et de l’esclave de Hegel, Lacan a véritablement dégagé une des parties constitutives essentielles de l’œdipe. Mais est-il possible, voire légitime, de parler d’œdipe en d’autres circonstances que celles où le père et la mère sont en jeu?

Lorsque, par exemple, un autre enfant joue avec un objet qui devient dès lors convoité par le premier enfant; ou lorsque c’est l’oncle maternel qui occupe la place du père comme aux îles Trobriand. Oui dans la mesure où le désir du désir de l’autre est en jeu.

Toute situation où trois personnages sont en jeu peut prétendre être une situation œdipienne même si l’un des personnages n’est qu’un jouet. Mais si le nombre des personnages est plus réduit, qu’en est-il ? Peut-on toujours parler d’œdipe lorsque, par exemple, pour la conscience de l’enfant, il n’y a que l’objet offert à son éventuelle convoitise ? Peut-on parler d’œdipe lorsqu’on ne peut même pas accorder à l’enfant la faculté d’identifier l’objet sur le plan imaginaire ?

La psychanalyse d’enfant indique qu’il est possible d’aller dans ce sens. Ainsi M. Klein parle déjà d’œdipe à l’âge de 6 mois ; c’est-à-dire à la fin de la phase paranoïde-schizoïde. Il est vrai que pour elle, à ce moment, l’enfant est capable de mettre en co-présence le bon et le mauvais sein et qu’il commence à identifier la présence du corps maternel. Il est donc possible d’identifier ici trois personnages, donc l’argument n’est pas décisif. Par contre F. Dolto parle de castration ombilicale dès la naissance. Cette castration n’est pas liée au simple fait de la naissance. Il ne suffit pas de naître pour subir la castration ombilicale. C’est l’atmosphère symbolique qui préside à cette naissance qui accorde ou non cette castration humanisante. Il y a ici un rapport direct entre le biologique et le symbolique. Un dialogue pourrait-on dire.

Ici le symbolique qui opère la castration et l’enveloppe maternelle dont est privé l’enfant sont loin d’être des personnages avérés pour l’enfant. Même si dans les faits il y a trois personnages, pour l’enfant ils sont tous les trois dans le réel. Il n’y a aucun accès, il ne peut les identifier avec un minimum de conscience. La mise en scène œdipienne est présente mais l’enfant ne peut la contempler et encore moins s’y inscrire consciemment. Pourtant Dolto ne parle pas d’œdipe, elle parle seulement de castration. À juste titre, car il manque cet aspect important de l’œdipe qu’est l’identification.

Une mise en scène de l’œdipe est donc possible dans le réel, à condition qu’il soit possible de parler d’identification. Mais une identification dans le réel est-elle possible ? Il faudrait curieusement que l’enfant s’identifie, dans le réel, à l’ordre symbolique. Puisque c’est l’ordre symbolique qui est l’opérateur de la castration ombilicale. À cette question il est possible de répondre oui sans hésiter. Freud est explicite, à ce sujet, lorsqu’il parle de « la première et la plus importante identification qui ait été effectuée par l’individu : celle avec le père de la préhistoire personnelle.»

Du Phénix aux Phéniciens

Il existe un mythe qui pourrait représenter cette forme archaïque de l’œdipe et qui, en même temps, a une extrême importance dans l’essor de la civilisation en Occident : le mythe du phœnix.

Les Égyptiens vouaient un culte au héron cendré qui apparaissait sur les eaux lors des inondations annuelles. Ils l’appelaient boïnou ou benben. Il était associé au culte du soleil et à sa renaissance annuelle le 19 juin, date annuelle de l’inondation. Hérodote, lors de son séjour en Égypte, a colligé les mythes qui circulaient autour de cet oiseau mais, selon son habitude, pour les noms de rois ou de lieux, il a pris la liberté de déformer son nom pour le nommer phœnix. Ce nom est une référence évidente aux Phœniciens.

Par la suite, d’autres auteurs grecs ont brodé autour du mythe pour lui donner sa forme définitive : le père se consume sur un bûcher et le fils renaît des cendres du père. Il se reproduit ainsi, identique à lui-même, à travers sa propre consumation. Le fils s’identifie au père dans le réel du corps. Il n’y a pas, de façon manifeste, de transmission de qualités imaginaires comme dans les formes plus connues de l’identification.

Il n’y a pas non plus dans ce mythe de transmission évidente de l’ordre symbolique. Et cette transmission importe car, selon Freud, l’identification au père archaïque est à la base de l’Idéal du Moi. La seule façon par laquelle on pourrait ramener ce mythe à une transmission de l’ordre symbolique serait d’admettre des accointances particulièrement étroites entre le symbolique et le réel qui feraient que dans la transmission du réel serait impliqué la transmission du symbolique.

Il se trouve qu’en psychanalyse cette relation étroite est reconnue d’emblée dans l’idée que le nourrisson est, déjà, dans le symbolique même et y compris au moment de sa conception. Dans les zones géographiques où est né le mythe, le Moyen-Orient, cette croyance prévaut également. Les formules les plus connues de cette croyance étant bibliques : « Au commencement était le verbe » ou « le verbe s’est fait chair et a habité parmi nous ».

On peut supposer que la décision prise par l’inconscient d’Hérodote de nommer phœnix l’oiseau du myhte ne s’est pas faite au hasard et qu’il avait de très bonnes raisons de le faire. Il se trouve en effet que les phœniciens pratiquaient un rite étonnant qui consiste à sacrifier, dans certaines circonstances, leur fils aîné en le jetant dans un brasier émergeant de la bouche béante de l’effigie de leurs dieux Tanit, Baal-Hammon ou Molloch. Ce rituel est exactement l’inverse du mythe du phœnix et peut très bien représenter sa négation. Un avatar du mythe devait donc exister en Phœnicie bien avant qu’Hérodote ne le « redécouvre » en Égypte et ne fasse le lien inconsciemment avec les Phœniciens.

À partir du mythe et du rituel de son inversion va naître, au pays de Canaan, une deuxième négation dans le sacrifice d’Abraham qui est à la base du peuple juif, de la religion judaïque et islamique. Le Bras sacrificateur d’Abraham qui doit nier le meurtre du père par le meurtre du fils est arrêté par un autre bras : celui de Dieu. Enfin, troisième négation du mythe, avec le Christianisme le sacrifice qui met fin à tous les sacrifices. Dieu lui-même sacrifie son fils sur la croix. Ce sacrifice dont la mémoire sera sans cesse ravivée « accomplit » le geste retenu d’Abraham mais du même coup le rend inutile. Le souvenir de l’accomplissement du meurtre va exorciser le suspens de son éventuelle réalisation.

Phénomène étonnant, à partir du moment où la négation du mythe devient elle-même mythique et cesse d’être uniquement rituelle avec le sacrifice d’Abraham on retrouve une constante dans la zone d’extension du mythe : la relation immédiate entre le réel et le symbolique, non médiatisée par l’imaginaire. L’imaginaire est exclu, interdit, profanateur du sacré. Le mythe aussi nié et refoulé soit-il déploie tout de même sa vérité. L’imaginaire ne doit pas venir perturber la relation étroite des deux autres registres. L’effet créateur de chair du symbolique doit être maintenu dans sa pureté originelle. Ce n’est que très longtemps après au VIIe siècle, avec la querelle des iconoclastes chez les Byzantins, que ce tabou sera transgressé. L’imaginaire va gagner ses lettres de créance et va briser l’intimité des deux autres registres pour s’imposer comme pôle majeur de la civilisation. L’Occident est né tout entier de cette décision et en reste encore imprégné.

De l’Unaire sans compter

Si l’œdipe est traditionnellement rattaché à un nombre, à quel nombre le mythe du phénix en tant que mythe œdipien pourrait-il être associé ? De façon assez évidente ce mythe est associé au nombre Un avec la majuscule. Ce Un n’est pas le premier d’une série. Il ressemblerait aux traces que Lacan a appelées traits unaires et que l’on retrouve sur les mâchoires d’antilope ou les murs des grottes de Lascaux. Ce sont des traces uniques, même si on les voit une à côté de l’autre, car elles font difficilement série. A chaque fois que l’événement qu’elles représentent a lieu, à chaque fois que ce meurtre du père a lieu, l’être qui commet ce meurtre est pleinement dans son meurtre et n’a pas vraiment conscience de la série répétitive de ses actes.

Pour représenter algébriquement cette forme archaïque de l’œdipe je la noterai (Un+A). L’Un représente l’être qui cherche à se définir et qui pour cela accomplit un meurtre qui ne l’avance pas vraiment beaucoup puisqu’après il se retrouve dans la même situation où il est à nouveau Un. L’A représente la présence de l’Autre même s’il faut prendre garde à ne pas le calculer dans le décompte des êtres en présence dans le mythe, en lui réservant une sorte de compte à part.

Cette formulation algébrique du mythe n’est pas une coquetterie de l’esprit. Elle a marqué de son sceau toute la civilisation moyen-orientale et continue d’avoir une influence considérable dans une grande partie du monde à travers la religion islamique. Tant le Judaïsme que l’Islam et, dans une moindre mesure, le Christianisme ont voué à l’Un un culte particulier dont l’idée de l’unicité de Dieu ne suffit pas à justifier l’importance. L’Un est la trace d’un temps archaïque (d’un mythe) ou les liens privilégiés du réel et du symbolique ne souffraient pas de rival.

L’un comptable

Il y a donc là une difficulté théorique de taille que l’être impliqué dans cette suite de meurtres doit résoudre. Comment faire pour que cette suite de meurtres fasse série ? Comment faire pour qu’on puisse en faire le compte ? A ce problème, il n’y a qu’une solution : un autre meurtre, mais cette fois de nature différente. Il s’agit de tuer l’Un pour qu’il serve de modèle à la suite des traits unaires et qu’il leur permette de faire série. Il ne s’agit plus du meurtre réel du père, mais d’un meurtre imaginaire dans lequel il s’agit de tuer l’Un comme unique tout en le conservant dans une unicité productrice du multiple. Il meurt comme unique mais survit comme modèle du multiple.

Il s’agit ici de la deuxième forme d’identification décrite par Freud, celle qui résulte de la mise en scène de l’œdipe dans sa forme classique. Elle consiste dans l’absorbtion de l’objet investi libidinalement. Moyennant l’apparition des traits caractéristiques de l’objet dans le Moi. Identification imaginaire donc, le Moi constituant la liste ou le réceptacle des identifications successives. La dévoration de l’objet est impliquée dans cette identification.

Dans cette dévoration identificatoire de l’objet qui résulte de l’œdipe, il n’est pas clair que ce soit nécessairement la mère qui soit l’objet en question. Le père peut tout aussi bien être objet d’identification dévorante même si celle-ci a pour but de résoudre le conflit œdipien. Une atmosphère de paradoxe se dégage de ces passages de Freud où il tente de concilier cette forme d’identification avec l’œdipe. Car si l’identification au père a pour but de séduire la mère comment concilier ce fait avec la façon dont elle s’effectue, c’est-à-dire par la dévoration de l’objet d’amour qui est … le père.

La seule solution conséquente du paradoxe est de dire que l’attribut imaginaire du père est la mère et inversement. La distinction entre le père et la mère n’est pas complètement avérée. L’un reste lié à l’autre sur le plan imaginaire. Le mythe de la horde primitive le manifeste clairement. Le corps du père est dévoré par les frères mais ce qui est conservé comme attribut imaginaire de ce crime ce sont les femmes du père.

Dans Le Moi et le Ça, Freud dit que dans tous les cas cliniques on peut rencontrer la forme complète de l’œdipe. C’est-à-dire sa forme normale et sa forme inversée. L’une pourtant est plus apparente, plus consciente que l’autre, comme si elles ne pouvaient toutes les deux coexister dans la conscience. La dissymétrie caractéristique de l’œdipe au moment de sa découverte, où la mère est clairement objet d’amour et le père de rivalité, a tendance à s’estomper dans ce texte tardif au profit de cette identification imaginaire qui dévore le corps de l’autre, c’est-à-dire le fait disparaître sur le plan du réel pour n’en conserver que les attributs imaginaires. Le père et la mère peuvent indifféremment être l’objet de cette identification.

Le mythe de Pyrame et Thisbé pourrait représenter ce moment imaginaire de l’œdipe. Repris des Grecs (qui, eux-mêmes, le tenaient des Babyloniens) par Ovide, il connut un grand succès grâce à Shakespeare qui en fît Roméo et Juliette. Pyrame et Thisbé étaient deux Babyloniens qui s’aimaient d’amour tendre et illicite vu que leurs parents respectifs étaient ennemis. Ils communiquaient cependant entre eux par une fente du mur qui séparait leur maison. S’étant donné rendez-vous au tombeau de Ninos, près d’une source de laquelle s’abreuvait un mûrier, Thisbé s’y rendit la première. Elle eut la désagréable surprise d’y trouver une lionne venue boire à la source. Se réfugiant dans le tombeau, elle perdit son écharpe que la lionne se fit fort de déchiqueter. Arrivant sur ces entrefaites, Pyrame crut à la dévoration de son amie et se tua de son poignard. Désespérée Thisbé imita son geste. Depuis, les mûres sont rouges sang.

Un de mes jeunes patients m’a donné sa propre version du mythe en disant que Thisbé afin de fuir la lionne lui avait lancé sa robe au visage pour l’aveugler avant de fuir dans le tombeau. L’aspect imaginaire de l’identification est très évident dans sa version. La robe vêtement de Thisbé vient recouvrir le visage de la lionne.

L’œdipe en duel

Pour représenter algébriquement cette forme de l’œdipe j’userai de la formule (un+1+A). Le un+1 est là pour représenter la dualité dans laquelle s’effectue le meurtre imaginaire entre le un-modèle et le un-ordinaire. Ce qui m’amène à formuler l’idée que l’œdipe tel que conçu traditionnellement n’est pas une triangulation mais bien une dualisation au bout de laquelle l’enfant devient individu, c’est-à-dire identique en tous points à tous ses congénères. Il entre sous le coup de la loi mais il s’agit ici d’une loi égalitaire, celle de l’uniformité.

Cette forme du mythe œdipien est marquée par l’universalité et de toute façon elle a prétendu avec Freud à cette universalité-là. En réalité toutes les théories de l’individu sont des théories qui prétendent à l’universalité. A tel point qu’on peut dire qu’à chaque fois qu’une théorie prétend à l’universalité elle met en scène l’individu.

Après avoir défini un mythe œdipien archaïque avec un meurtre réel représenté par (Un+A), après avoir défini un mythe plus élaboré avec un meurtre imaginaire représenté algébriquement par (un+1+A), il reste du chemin à parcourir qui nous amènerait à faire exister l’un du multiple sans qu’il ait besoin d’avoir recours à son modèle. Il s’agit ici de transcender cet espace où le modèle est vu de tous les points de sa multitude et voit lui-même tous les points de la multitude qu’il contribue à créer. Cet espace est en somme déterminé par le savoir sur l’autre, le savoir de l’autre sur soi. Le seul moyen de le transcender est de le muter en savoir de soi. Il ne doit plus être question d’un savoir imaginaire, éventuellement en miroir, ce qui nous ramènerait au cas précédent, mais d’un savoir d’une autre nature qui détermine, sans recours à un modèle transcendant.

L’énigme ternaire

Il s’agit donc de dépasser et le savoir imaginaire et la situation de dualité et surtout de procéder au meurtre du un-modèle qui incarne cette dualité imaginaire. Pour représenter mythiquement ce dépassement une seule voie celle de l’énigme ternaire. En tant que symbolique, l’énigme permet de dépasser l’imaginaire, en tant que ternaire elle permet de dépasser la dualité, sans compter enfin que sa solution permet d’accomplir le meurtre symbolique de celui qui la pose, à savoir le un comme modèle.

Cette fois le matériel est plus abondant, les exemples d’énigmes ternaires sont nombreux. L’énigme de la sphinge à Œdipe dont la réponse est « trois dans un ». La Sainte Trinité dont l’énigme consiste à expliquer le « trois dans un ». Le problème des trois prisonniers dans Le temps logique… de Lacan dont la clé est l’équivalence absolue entre les trois prisonniers, c’est-à-dire le « trois dans un ». Enfin la théorie de la relativité d’Einstein où chaque événement ne se conçoit que par rapport à deux autres. Donc là aussi le « trois dans un » est manifeste.

Des indications très précises de Freud vont dans le même sens. « Lors de la destruction du complexe d’œdipe, dit-il, les quatre tendances qui en forment le contenu (attachement et identification du complexe positif et négatif) s’associeront pour donner naissance à une identification avec le père et à une identification avec la mère. » Cette identification double au père et à la mère diffère de la précédente où il s’agissait plutôt d’une identification au père ou à la mère. Le père et la mère sont clairement distingués ici et peuvent participer à l’élaboration de l’énigme trinaire dont la clé est la sortie hors du complexe d’œdipe.

Dans Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée, Lacan nous détaille de façon remarquable cette forme de l’identification. Il ne s’agit pas d’une identification simple, d’une part à la mère et d’autre part au père. Il ne s’agit pas, non plus d’une identification à leurs rapports imaginaires. L’enfant prend place plutôt ici dans une problématique ternaire, tout à fait nouvelle, dont le résultat est l’assertion verbale d’une identité jusque là imaginaire.

« Je suis blanc » dit le prisonnier sortant du Temps logique…. « C’est l’homme » dit Œdipe à la sphynge. « J’ai un temps qui m’est propre » dit l’événement dans la théorie de la relativité. « Je suis le père, le fils et le Saint-Esprit » dit Jésus-Christ.

Cette dernière forme de l’œdipe qu’on pourrait représenter par (3+A) contient dans son déploiement les deux autres formes ou plutôt utlise pour s’effectuer les effets psychiques produits par les deux autres formes. Grâce à l’identification réelle l’enfant se situe dans son propre corps et l’insère dans l’ordre symbolique, tandis que grâce à l’identification imaginaire il est en mesure de se mettre à la place de l’autre, n’importe quel autre.

Parvenu au terme de ce cheminement on pourrait se demander si l’on a effectivement affaire à trois formes d’identification ou bien si un seul et même modèle se déploie différemment selon qu’il se situe dans le réel, l’imaginaire ou le symbolique, selon qu’il est dans l’Un, le Deux ou le Trois. Il est certain que, dans tous les cas, le chiffre prime et constitue un cadre important, indépassable. L’Un oblige à l’identification réelle. Le Deux (un+1) oblige à l’identification imaginaire. Le Trois favorise l’identification symbolique.

Assimiler l’une à l’autre ces trois formes d’identification c’est porter une attention particulière au chiffrage du psychisme, c’est postuler qu’il est également possible de réunifier ou de synthétiser d’autres manifestations psychiques de la même manière, c’est postuler que des phénomènes, cette fois de dimension quatre, pourraient être découverts. Hypothèse qui comporte des ouvertures de recherche importantes et qui mériterait donc d’être prise en considération. Je la laisserai par conséquent dans cette perspective d’ouverture en espérant qu’elle donnera lieu à des travaux fructueux.