Alain Simon
Une approche entropologique de l’homme
Alain Simon
L’entropologie, serait à mon sens une démarche non pas antagoniste mais première par rapport à ce constat massif que le monde est complexe.
Il serait ici question de comprendre quels sont les atomes élémentaires à partir de quoi se constitue notre compréhension du monde qui nous entoure.
L’analogie serait, en biologie, la recherche du code élémentaire de tout ADN, au-delà de toute la complexité du vivant qui en est issu.
L’entropologie serait donc en ce sens, à développer à partir de la volonté de comprendre les phénomènes humains, à partir des hypothèses les plus simples possibles, ce qui nous rapproche en somme d’une démarche de physiciens.
L’ambition est grande, car, comme en toute chose, pour faire simple, il faut accepter de remonter assez loin, accepter de remettre en cause des notions tellement usuelles, qu’on se fatigue d’avance d’y être invité.
J’espère simplement, dans cet exposé, réussir à vous mener au point d’où vous pourrez juger par vous-même si le changement de point de vue auquel je vous convie peut débrouiller ce qui parait complexe.
Etymologie Le terme d’entropologie est un néologisme qui rapproche :
–
–
Ce mot préjuge que s’il est une la possibilité d’appliquer dans le domaine des sciences humaines les notions de la physique, c’est autour de la notion d’entropie que doit porter cet effort.
De fait, dans l’interprétation que Boltzmann donne de l’entropie en thermodynamique statistique, l’homme est déjà présent. C’est lui qui occupe le niveau «macroscopique» et pour qui les mouvements microscopiques des atomes de gaz prennent sens. Ces résultats furent repris par Shannon pour définir ce qu’est l’information, dans un domaine touchant cette fois-ci directement le discours humain.
Partir de l’entropie comme pivot stable commun aux sciences physiques et aux sciences humaines, c’est donc d’emblée s’intéresser à l’homme face à son environnement, ainsi qu’à son discours.
Comme le dit Roger Balian
«entropie, manque d’information, incertitude, désordre, complexité, apparaissent donc comme les avatars d’un seul et même concept. Sous l’un ou l’autre de ses formes, l’entropie est associée à la notion de probabilité, et elle peut s’évaluer numériquement, ce qui en fait un outil efficace pour de applications variées. Elle caractérise non pas un objet en soi mais la connaissance que nous en avons et nos possibilités de faire des prévisions {…] : «l’entropie a un caractère anthropique».» CITATION Bal01 \l 1036 (Ballian, 2000)
Réciproquement, nous nous proposons de montrer ici, dans le droit fil des développements de Lévi-Strauss que l’anthropologie a un caractère entropique.
Relativité de l’information Sous une forme ou une autre, qu’il s’agisse de thermodynamique ou d’information, l’entropie met en relation :
–
–
Considérons par exemple l’information contenue dans un message :
«Il faut d’abord remarquer qu’un message en soi n’a pas de sens, mais qu’il doit être rapporté à la collection de messages que l’on estime susceptible de nous parvenir. Par exemple, le vainqueur d’une compétition, m, doit être l’un des participants à la compétition. En apprenant que le vainqueur est effectivement m, nous avons acquis une information Im. Cette information aura d’autant de valeur que la probabilité pm qu’a m de vaincre est faible.»
CITATION Bal01 \l 1036 (Ballian, 2000)
C’est dire que l’information se définit d’être l’actualisation d’une potentialité.
La mécanique quantique de son côté ne nous dit pas autre chose : situer une particule, c’est actualiser au cours de l’observation l’une de ses potentialités : dire qu’une particule est ici, c’est restreindre les chances que l’on a de la trouver ailleurs.
Ce qui n’est pas si différent du discours du psychanalyste ; en effet que nous dit Lacan, si ce n’est que tout signifiant s’inscrit dans une chaîne de signifiants.
Le symptôme est l’actualisation d’’une virtualité. Comme l’observation celui d’une potentialité.[1]
Homogénéité du champ Imaginaire Pour utiliser un seul et même outil, qu’il s’agisse d’entropie ou d’information, depuis la mécanique quantique jusqu’à l’étude de l’homme, cela présuppose une certaine homogénéité de ce champ d’application.
Comme l’entropie qualifie un rapport entre l’Observateur et son environnement, qui s’agisse d’objets physiques, de langage ou d’êtres humains, ce champ unique et privilégié ne peut être que celui du langage même de l’Observateur, base stable et nécessaire à laquelle se rapportent l’ensemble de ses expériences.
Il nous faut donc procéder à un renversement de perspective : le lieu commun à toutes les sciences dont nous nous occupons, c’est l’Imaginaire de l’Observateur, le lieu de représentation ou s’articule et se déploie son langage.
Ce qui rejoint finalement une remarque assez triviale : le point commun entre le physicien et l’anthropologue c’est évidemment le porteur du discours, l’homme lui-même, toujours présent, même s’il cherche à se faire oublier dans le discours scientifique.
Quelle base théorique possible ? Que nous disent le psychanalyste ou l’anthropologue au sujet de l’Imaginaire, qui ait un sens pour le physicien ?
Deux choses simples :
Principe de répétition – conservation de l’énergie Tout d’abord, que le sujet prend conscience de son environnement à force de répétitions.
C’est le constat fondamental que fît Freud dans « Au-delà du principe du Plaisir » CITATION Fre20 \l 1036 (Freud, 1920)
, et qui a été largement commenté par la suite par Lacan.
En observant des soldats traumatisés par les horreurs de la guerre auxquelles ils viennent d’échapper, Freud constate qu’ils restent sans arrêt captif de la séquence traumatique qui les a marqués. Plus précisément il semble que des soldats stressés mais n’ayant pas été blessés, faute en quelque sorte d’un sens qu’une blessure physique aurait donné à leur angoisse, tournent en rond.
Cette découverte dans le domaine de l’analyse n’a rien d’étonnant pour le physicien. Les planètes ou les électrons ne font – ils pas de même lorsqu’ils sont dans un état stable ?
Pris au pied de la lettre, le principe de répétition revient simplement à dire qu’en l’absence d’évolution, un Sujet tourne en rond autour de l’objet de son attention.
C’est dans cette perspective que Lacan reprend le cas du petit Hans jouant au «fort – da», présenté par Freud dans « Au-delà du principe de plaisir », interprétation que nous suivrons dans cette présentation..
Il s’agit d’un principe élémentaire, au-delà, c’est-à-dire avant le principe de plaisir, et vu d’un œil de physicien, il n’y a rien qui puisse choquer : il s’agit de la trace la plus élémentaire, au niveau du fonctionnement Imaginaire de l’Homme du principe de conservation de l’énergie.
Structuration dichotomique de l’imaginaire Nous avons vu qu’il nous fallait nous intéresser en premier à la relation qui s’établie entre l’Observateur et l’Objet. Or que pouvons-nous dire de cette représentation de l’objet elle-même ?
Tout d’abord que nous n’en avons connaissance des objets qu’à travers notre langage, qui structure notre pensée.
Et que peut nous apprendre l’anthropologue au sujet de notre façon de repérer le réel ?
Ceci, qui est extrêmement basique : L’homme procède à la taxinomie de son environnement par dichotomies successives.
Autrement dit le langage se construit progressivement par couple d’oppositions jugées significatives. C’est ce que nous rapporte Lévi-Strauss au travers de l’étude de nombreuses civilisations : le fond commun de notre entendement depuis la nuit des temps est de procéder en hiérarchisant notre savoir par paires de notions contraires. CITATION Lév \l 1036 (Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, 1962)
P. 696
Ce qui est vrai au niveau d’une culture l’est également pour chacun d’entre nous au cours de son développement personnel, conditionnés entre autre par notre culture.
Là encore, pas de quoi effaroucher le physicien qui sait depuis quelques temps que toute information peut se réduire à une succession de 0 et de 1.
La représentation du présent Avec ces deux seuls principes, nous avons à priori tout ce qui nous est nécessaire pour représenter de la façon la plus générale possible les rapports qui peuvent s’établir entre un Observateur et un Objet, dans l’instant de l’observation.
Application du Principe dichotomique : –
–
Et pour chacun de nos deux protagonistes, nous pouvons distinguer l’état actuel, actif, de ce qui reste potentiel.
Lorsque, par exemple le petit Hans joue avec son bouchon :
–
–
Application du Principe de répétition : Le principe de répétition nous dit que toutes choses étant égales par ailleurs, sans changement de la volonté du joueur, et sans modification de son environnement, alors l’action se répète.
C’est aussi vrai pour l’Homme que pour la Lune autour de la Terre ou les électrons autour du noyau.
La structure abélienne Les 4 pôles précédents définissent le jeu du petit Hans. Situation que l’on peut représenter ainsi :
(Hans rejette le bouchon))
B1 – Fort:
(La bobine disparait)
H2 – Ramener:
(Hans tire sur la ficelle)
B2 – Da :
(Le bouchon reparait)
B2
H1
H2
B1
Il s’agit de ce que Raymond Abellio a appelé « la Structure absolue » CITATION Ray65 \l 1036 (Abellio, 1965)
L’auteur s’est attaché à montrer l’universalité de cette structure dans son œuvre, mais aussi sur le terrain, dans des actions de conseil. Néanmoins, si nous nous retrouvons sur cette structure, qui effectivement permet de représenter une très grande variété de situations, je ne partage pas sa démarche, qui est plutôt ésotérique, ce qui m’est étranger.
On peut en particulier montrer que cette structure rend compte les différentes attitudes de l’Observateur dans son environnement, il peut être actif, en recherche ou surpris par son environnement. Il peut également être écrasé par celui-ci ou en harmonie totale.
On peut assez facilement retrouver dans ce schéma les figures élémentaires à deux traits du Yi King.
Mais cette structure souffre d’une limitation importante :
–
–
Ce schéma permet de constater une situation donnée, mais pas d’en expliquer la genèse ni l’évolution, Il nous manque pour ce faire de pouvoir représenter le temps.
La perception du temps et du mouvement Le seul véritable impératif scientifique concernant le temps est son invariance. Les lois physiques ne changent pas lors d’une translation temporelle. S’il en était autrement, il suffirait, par exemple de faire tomber un poids à midi, et d’attendre pour le remonter à son point d’origine, que la gravité soit moins forte, pour créer ainsi de l’énergie (Théorème de Noether).
L’expérience ne nous permet pas d’en dire beaucoup plus. Par commodité, nous pensons que le temps s’écoule de façon continue, quoique nous n’ayons de fait, aucun sens dédié à la perception directe du temps, ni la possibilité d’infirmer ou confirmer ce postulat par une expérience quelconque.
Mais, puisque nous nous intéressons aux phénomènes physiques relativement à l’Observateur, nous n’avons pas tant à nous prononcer sur la nature réelle du temps, que sur la représentation que nous pouvons nous en faire.
Dans cette optique, la question qui doit nous intéresser est la suivante :
Comment faisons-nous personnellement l’apprentissage de la notion de temps ?
Lorsque le petit Hans joue au «fort da», il met en jeu, il teste et conforte la notion du temps qu’il développe, même si elle n’est pas, à son âge, définitivement structurée: je lance le bouchon et il va revenir. Hans tente une expérience, il anticipe le résultat de son action, puis compare le résultat obtenu à l’attente qu’il en a[2]. Mais avant même que ce schéma soit acquis, à force de répétitions précisément, il faut bien qu’il prenne conscience, corrélativement à la constitution de l’image, d’une différence entre le mouvement rythmique des apparitions/disparitions de ce bouchon et sa permanence à lui, qui joue et reste toujours là, constamment présent à lui-même.
L’Objet peut apparaitre et disparaitre, mais je ne peux m’en rendre compte que parce que son image reste présente à l’esprit. Sinon, comment dire « on sont passées mes lunettes » ?
Distanciation de l’Observateur Le temps est primitivement l’évaluation d’un nombre d’occurrences (nombre d’aller/retour entre Réel et Imaginaire) rapportée à une base Imaginaire, celle où je me situe pour en parler.
Cette base imaginaire peut devenir implicite lorsque, socle commun à plusieurs mesures de répétitions, on se sert de l’une des observations comme mesure de référence. Par exemple la journée terrestre, le mois lunaire et l’année solaire peuvent être comparés l’un à l’autre et l’on dira que le mois lunaire est (approximativement) de 28 jours et l’année solaire (à peut près) de 365 jours.
Ce procédé de comparaison directe d’expériences repérables dans ce qui m’est extérieur et que j’identifie comme le «Réel» ne doit pas faire oublier l’existence latente de l’Observateur, base de référence imaginaire à ces mesures de fréquences.
Sauf preuve du contraire, Terre, Lune et Soleil n’ont conscience de rien du tout et ne sont concernés en rien par les observations dont ils font l’objet.
Extension de l’objet réel – durée de l’image L’observateur prend conscience sur deux modes radicalement différents de l’extension de l’objet dans l’espace (son étendue réelle), et de l’extension de son image dans le temps (sa permanence imaginaire).
Représentation du mouvement Pour représenter le mouvement, concrètement, comment faisons-nous ?
Il faut toujours utiliser un dispositif animé qui substitue une image[3] à une autre devant nos yeux. Le procédé le plus simple est constitué d’un bloc-notes.
Sur chaque page, on dessine une image, qui diffère très légèrement d’une page à l’autre. Ensuite, et il faut pour cela que les feuilles de papier présentent une certaine raideur, on tord l’ensemble des feuilles, qui viennent en cadence reprendre leur position initiale dans le bloc-notes.
Je suis, de facto, acteur de cette représentation car elle est adaptée à ma morphologie : les images se succèdent trop vite pour que ma perception rétinienne puisse les discriminer l’une de l’autre.
Pour représenter un objet, une image sur une feuille du bloc-notes suffit, et une fois réalisée, la représentation est toujours disponible. En revanche, la représentation du mouvement, nécessite toujours la mise en œuvre d’un dispositif adapté, à ma morphologie.
Il n’y a pas de grande différence entre les mécanismes de représentation du temps et du mouvement, car en fait ; notre notion du temps n’est que l’extrait sec, imaginaire, du mouvement; une fois débarrassé de toute référence au Réel.
Le mouvement, concerne l’évolution dans le temps d’objets «réels». Lorsque l’on parle d’évolution d’un système, d’un homme ou d’une civilisation, nous pouvons garder la même notion du temps, que celle définie ici, simplement, les objets pris en considération sont d’un niveau d’abstraction Imaginaire plus élevés.
Mais le point fondamental reste que parler du temps, du mouvement ou d’une évolution nécessite toujours 2 niveaux de discours.
Principe d’incertitude Si l’on adopte ce point de vue, le principe d’incertitude d’Heisenberg peut s’expliquer très simplement par un passage à la limite.
Considérons deux images successives i et i+1.
Chacune d’elles peut être représentée à un niveau Imaginaire Ik-1 tandis que la mesure d’une vitesse nécessite de se référer à un niveau Imaginaire plus stable, servant de base à la mesure de la vitesse de déplacement.
La succession des opérations est la suivante :
1.
2.
3.
4.
On peut, à la limite envisager que les opérations 1 et 2 ou les opérations 3 et 4 soient synchrones ; mais jamais les opérations 2 et 4, puisqu’entre les deux, il y a nécessairement un mouvement d’aller retour entre deux plans Imaginaires distincts pour substituer une image à l’autre.
On peut donc avoir les cas limite suivants :
Soit 1 et 2 concomitants, c’est-à-dire
–
–
Ikè Ik-1 è Ik
Soit 3 et 4 concomitants, c’est-à-dire
–
–
Ik-1è Ik è Ik-1
Si j’opère sur quelques millions ou milliards de répétions, la différence d’approche devient insignifiante. Et dans l’expérience courante, nous pouvons dire, oubliant tout ce processus, que je peux à la fois situer précisément un objet et mesurer sa vitesse. Au niveau quantique, l’ordre des mesures (position/vitesse ou vitesse/position) ne peut plus permuter. La limite inférieure étant l’action non décomposable (quantique) du passage entre deux images élémentaires.
Le principe de répétition de Freud, duquel nous sommes partis pour définir le temps est par essence un processus discret, non continu c’est-à-dire quantique par nature.
La perception du temps, basée comme nous l’avons fait sur le principe de répétition, donne un sentiment d’évidence à la représentation des états quantiques de la matière.
C’est alors la fluidité des mouvements perçus au niveau macroscopique qui n’est plus une évidence, mais résulte d’une perte d’information.
Il semble donc qu’il y ait effectivement une double limite à notre discernement du à l’irréductibilité fondamentale du Réel à notre Imaginaire :
–
–
Deux conséquences importantes :
Généralisation du Principe d’incertitude Si l’on généralise à toute représentation les enseignements de la physiques, ont peut arriver aux constats suivants :
1.
La séparabilité de l’observateur et de l’Objet est toujours relative : à l’échelle quantique on parle de « décorrélation », lorsque la séparation devient impossible.
Nous en avons l’écho à l’autre bout du spectre de nos préoccupations : qu’est-ce à dire que « je est un Autre », si ce n’est qu’il est problématique de tracer une frontière franche et définitive entre le Sujet et l’Autre.
2.
En partant de nos deux principes de base (dichotomie et principe de répétition), on en arrive très facilement à considérer que notre incertitude fondamentale concernant les objets de notre observation est en raison inverse de la distance Imaginaire qui nous en sépare.
Dans ce renversement de perspective, la stabilité de notre monde physique quotidien est liée à notre éloignement et corrélativement au nombre extraordinairement élevé de ses éléments constitutifs. Mais dès que l’on s’intéresse aux phénomènes sociaux, notre incertitude liée à notre proximité, devient extrêmement grande.
Pour donner un ordre de grandeur : l’ensemble de la population humaine est de quelques milliards d’individus ; tandis qu’une simple goutte d’eau est constituée de 1700 milliards de milliards d’atomes.
Autrement dit, nous avons peu de chances de voir un jour une goutte d’eau de pluie remonter vers un nuage, alors qu’il est courant qu’un sondage d’opinions, même rigoureusement mené, soit démenti par les résultats d’une élection.
Quant à l’incertitude de l’analyste face à son patient, je vous laisse juge.
Principe de moindre action Que devient le principe de conservation de l’énergie lorsqu’il y a mouvement ?
Il faut considérer un système formé par les deux niveaux Imaginaires Ik et Ik-1 nécessaires à la représentation du mouvement :
·
·
Et notre principe d’économie générale conserve la forme du principe de moindre action que Maupertuis définit en 1744, qui repère une différence de comportement du système selon que l’énergie cinétique se transforme en énergie potentielle, ou bien suive le chemin inverse.
Cette différence de comportement s’expliquerait facilement par la hiérarchisation que nous établissons entre les niveaux Ik et Ik-1 de notre modélisation des observations : ce n’est pas la même chose, pas le même processus qui me permet de passer de Ik à Ik-1 ou inversement de Ik-1 à Ik.
Les limites de l’Imaginaire De l’Imaginaire au Réel Lorsque je théorise sur ma propre expérience du Réel, cette réflexion sur moi-même s’accompagne nécessairement d’une distanciation par rapport au vécu immédiat.
Pour en parler je suis en position ex-post.
C’est la position nécessaire au discours explicatif. Dans cette position, il est possible de percevoir le mouvement, de comprendre l’évolution d’une situation. C’est la position du stratège guidant le tacticien, ou du professeur enseignant à l’élève.
En position ex post, je peux opposer l’actuel vécu dans l’instant aux situations potentielles qui déterminent l’évolution de la situation. C’est cette opposition actuel/potentiel qui permet de quantifier l’information que je peux ressortir de mes observations.
ð
Nous avons montré, me semble-t-il que notre mode de représentation en compatible avec tous les enseignements de la physique. Il respecte ou donne un sens :
–
–
Et, reste cohérent, pour représenter ce qui est le plus éloigné de l’Observateur, à savoir l’Objet quantique ; puisque :
–
–
Et ce point extrême de la représentation nous permet de dire que:
Il n’y a pas de solution de continuité entre l’Imaginaire et le Réel.
On peut représenter la coupure R/ I ainsi : …R [ ] I…
De l’Imaginaire au Symbolique Le langage peut porter sur lui-même et produire du sens. Mais, il arrive qu’il butte sur une contradiction. En effet, si je change de grille de lecture pour définir un objet, je peux dire des choses contradictoires sur un seul et même objet. Pour rendre la cohérence à mon discours, je ne peux qu’anticiper l’existence d’un principe unificateur, au-delà de l’Imaginaire actuel où se reflète mon expérience du Réel.
Nous appellerons Symbole ou Objet Symbolique ce référent unificateur en attente, inaccessible en soi, situé au-delà de notre discours.
Comme nous sommes partis d’un processus agrégatif, regroupant des paires d’oppositions, un symbole ne peut être représenté que par des couples d’images complémentaires.
Le principe de répétition qui a servi à former notre Imaginaire à partir d’une accumulation d’expériences sur des objets réels, reste toujours pertinent et sert à constituer des symboles à partir d’une accumulation d’images; à deux transformations près :
·
·
Lorsque mon discours bute sur une contradiction logique, je ne suis plus capable d’expliciter mon expérience par mon discours, je ne suis plus dans la position ex-post précédente, mais en position ex-ante.
Je ne suis plus en mesure de percevoir le temps ou le mouvement et la répétition ne va donc pas porter sur la succession des observations, mais sur la diversité des images, des situations décrites, des mises en scènes.
Par exemple, à propos de la présence/absence des arbres qui forment un symbole dans une série de mythes du Lynx et du Coyote:
« …On part d’une opposition majeure entre absence d’arbres […] et leur présence […]. Présent, l’arbre est soit concave (la pirogue qui bascule), soit convexe. Convexe, l’arbre se matérialise sous deux formes entre lesquelles existe un rapport de corrélation et d’opposition : la bille de bois à l’extrémité de laquelle la fille s’assied et qu’elle fait basculer, et l’arbre tombé en travers du sentier qu’elle enjambe maladroitement et qui la fait trébucher (c’est alors elle qui bascule).» CITATION Cla91 \l 1036 (Lévi-Strauss, Histoire de Lynx, 1991) p1290.
Dans une série homogène de mythes, on repère la mise en jeu d’un symbole lorsqu’une même image change de sens d’une version à l’autre. Une représentation Imaginaire ne signale pas le symbole qu’elle représente par la valeur qu’elle lui donne (contrairement à une représentation d’un objet réel) mais par la place qu’elle lui assigne.
Pas plus que le Réel, le Symbolique n’est réductible à l’Imaginaire.
On peut représenter la coupure I / S ainsi : … I [ ] S …
·
La position ex-ante est la position d’attente d’une consigne, attitude similaire à celle adoptée lors d’une opération mythique, point limite de contact entre l’imaginaire et le Symbolique.
C’est là que l’anthropologue nous guidera. Fait remarquable, en effet, Lévi-Strauss nous rapporte dans une série d’études sur plus de 400 mythes différents rapportés dans «les mythologiques», qu’il n’existerait qu’une seule et unique façon mythique de résoudre les contradictions Imaginaires en ayant recours au Symbolique. Et cette opération mythique présente toujours la même forme canonique indépendamment de la culture observée.
·
La forme canonique des mythes Suivons l’exemple présenté par Lévi-Strauss, dans la Potière jalouse.
Dans la culture jivaro, on rapproche la femme et l’engoulevent, parce que tous deux sont assimilés à la jalousie. Mais, par ailleurs, et selon une grille de lecture complètement différente, la femme et l’engoulevent diffèrent profondément. Par tradition chez les jivaros, ce sont les femmes qui font les poteries. Cet artisanat demande beaucoup de rigueur pour obtenir des poteries sans défaut, ne cassant pas à la cuisson, à partir de terre présentant des caractéristiques spécifiques précises mais empiriques. Les techniques, peu sûres, conduisirent les jivaros à suivre rigoureusement un processus d’élaboration qui s’est clarifié progressivement et codifié au fil des millénaires. Là encore, la pratique s’établie et se stabilise à force de répétitions.
Ceci est complètement en désaccord avec le caractère de l’engoulevent, oiseau pondant ses œufs à même le sol, sans plus s’en préoccuper. L’attitude de l’engoulevent s’oppose, à cet égard au fournier qui, d’une part, peut servir de modèle de fidélité et d’harmonie et d’autre part, de maître potier puisqu’il fait son nid en terre.
Donc, selon une grille de lecture, la femme, jalouse par nature, criarde et facteur de désunion[5], est semblable à l’engoulevent, mais ce classement ne tient plus lorsqu’il s’agit de poterie.
Les jivaros sont face à une contradiction d’ordre imaginaire, et sa solution passe par le registre symbolique, à l’aide de récits mythiques que Lévi Strauss résume ainsi :
·
·
·
·
·
Histoire dont la structure suit la forme canonique suivante :
«Fx(a) : Fy(b) = Fx(b) : Fa-1(y)» CITATION Apr95 \l 1036 (Scubla, 1995)
Pour la série de mythes en questions ceci nous donne :
F jalousie(engoulevent) : F potière(femme) :: F jalousie(femme) : F engoulement-1(potière)
Le membre de gauche Fx(a) : Fy(b) pose le problème: «quel rapport y a-t-il entre l’Engoulevent qui fonctionne comme un oiseau jaloux ou cause de jalousie, et une femme qui reçoit pour fonction d’expliquer l’origine de la poterie».
Avec l’élément Fx(b), la question est complètement exposée :
Si la femme et l’engoulevent sont semblables au regard de la fonction «jalousie», à quoi peut donc se comparer l’aptitude de la femme à la poterie, puisqu’à cet égard, engoulevent et femme ne peuvent pas relever de la même classe ?
Les premier et troisième éléments Fx(a) & Fx(b) sont dans un rapport métonymique[6].
Le dernier élément de la formule, Fa-1(y) explicite la démarche qu’indique le mythe pour résoudre le problème.
La femme des temps mythiques, au nom d’Engoulevent meurt et cette mort symbolique qui est en soi la fonction «Engoulevent-1» est un acte doublement fondateur[7] :
1/ La première inversion (engoulement-1) : C’est la marque d’un manque, d’un questionnement, d’une attente, qui sera comblée ou pas. C’est pour trouver une réponse à cette question ouverte, que Lévi-Strauss recherche dans l’environnement des jivaro ce complément en attente et le trouve dans le fournier qui, fait remarquable, n’apparaît pas dans les mythes à engoulevent.
Le récit mythique fonctionne exactement comme une recette de cuisine : il dresse la liste des ingrédients nécessaires, indique la marche à suivre, et suggère le résultat attendu. Mais c’est le cuisinier, en l’occurrence, Lévi-Strauss qui peut livrer le résultat final. Un mythe, c’est le scénario d’un drame, une voie à parcourir, peut-être au cours d’un rite, et non la peinture d’une nature morte.
Les mythes portent essentiellement sur la genèse d’un symbole, en réponse à un questionnement imaginaire.
2/ La seconde inversion : C’est l’échange des positions entre la fonction potière qui devient un terme, dans le même temps que le terme relatif à l’engoulevent devient fonction. En effet:
·
·
Présenté autrement: l’opération consiste à créer un symbole à partir d’une représentation incomplète (par agrégation avec son inverse), pour qu’une chose devienne observable (la femme fait de la poterie), et qu’on puisse la repérer dans l’Imaginaire. Une montée du sens (regroupement symbolique) accompagne une extension du réel observable (ajout d’un nouvel objet).
On peut montrer que ce processus est extrêmement général et se retrouve encore intact de nos jours lorsque l’on améliore la généralité de nos représentations. Comme par exemple lorsqu’en mathématiques, on imagine les nombres irrationnels, ou complexes. C’est également un schéma qui pourrait être rapproché de la technique de «déconstruction» de Derrida.
Nous aurions là l’outil effectivement utilisé pour réduire les paradoxes imaginaires nés de l’utilisation de l’outil dichotomique. Son utilisation récurrente (toujours le principe de répétition) structurerait progressivement l’Imaginaire, à partir du Symbolique.
Si tel est bien le processus de formation de notre Imaginaire à partir d’un questionnement resté sans réponse, alors, une façon de boucler notre présentation des plans Réel / Imaginaire / Symbolique serait de vérifier que la forme canonique rend compte de la genèse duale de l’Imaginaire à partir du Réel et du Symbolique, qui se situe par nécessité au cœur du sujet qui en prend conscience.
La question est :
Si les signifiants au niveau Imaginaire correspondent à des signifiés au niveau Réel; qu’est-ce que le signifiant d’un signifié imaginaire ?
F signifié (Réel) : F signifiant (Imaginaire) :: F signifié (Imaginaire) : F Réel-1 (signifiant)
F signifié (Réel)
La Fonction «signifié» appliquée à chaque élément du réel, doit se comprendre comme le fait qu’il peut être l’objet d’un discours, que le Réel est dicible.
F signifiant (Imaginaire)
C’est l’image de l’objet dans le domaine imaginaire, le discours.
F signifié (Imaginaire)
C’est le discours pris pour objet d’un métadiscours.
F Réel-1 (signifiant)
Le caractère inverse de la réalité, c’est d’être indicible. De terme générique, elle devient fonction, génératrice.
Le «signifiant» se transforme de fonction en terme générique représentant la collection des signifiants.
En résumé, le Symbolique est comme l’inverse du Réel.
Aux deux extrême du spectre de nos représentations, la mécanique quantique et la psychanalyse font écho l’un à l’autre:
– A la décohérence de l’objet quantique répond la genèse du Sujet à partir de l’Autre,
– Au principe d’incertitude d’Heisenberg, Lacan: répond que la remémoration et la répétitivité ne sont pas commutatifs:
«de l’une à l’autre il n’y a pas plus orientation temporelle qu’il n’y a réversibilité. Simplement elles ne sont pas commutatives. Ce n’est pas la même chose de commencer par la remémoration pour avoir affaire aux résistances de la répétition ou de commencer par la répétition pour avoir une amorce de remémoration.
C’est ce qui nous indique que la fonction temps est d’ordre logique, et liée à une mise en forme signifiante du réel. La non-commutativité en effet n’appartient qu’au registre du signifiant. » CITATION Jac1 \l 1036 (Lacan, Séminaire 11 – Les 4 concepts fondamentaux de la psychanalyse)
p.49
Or le temps participe de la remémoration, le repérage spatial de la répétition.
Cet éclairage permet de reprendre ce qu’est la vision, telle qu’abordée par Lacan (Séminaire 11) dans son commentaire du rêveur qui construit son rêve autour du bruit qui le réveille.
Structure de l’Imaginaire Après avoir délimité ce que n’est pas le domaine du discours, nous avons donc un espace Imaginaire homogène, conduisant de l’Objet quantique le plus inaccessible, jusqu’à l’indicible Objet Symbolique.
Répétitions et catastrophes Lorsque le petit Hans joue au «fort–da», nous avons schématisé son jeu par un bouclage entre 4 pôles du modèle sénaire. Le temps est repéré par le décompte des répétitions du mouvement, il s’agit intrinsèquement d’une mesure discontinue. La permanence de ce mouvement se traduit par la conservation de l’énergie mise en jeu.
Nous avons vu qu’un arrêt des répétitions, un blocage ou un hiatus dans le discours, ou encore un paradoxe logique dans nos représentations, nécessite de complexifier notre mode de représentation, qui doit au moins intéresser deux niveaux de langage, ou sinon, de faire appel à une opération symbolique.
Nous définissons ces sauts d’un niveau Imaginaire à l’autre, comme des «catastrophes». Ils en ont le caractère, en ce sens qu’il y a interruption du cycle des répétitions à un niveau synchronique donné, dans l’attente d’une redéfinition à un niveau supérieur[8].
En fait, il n’y a pas de différence de nature profonde entre notre principe de Répétition et notre définition d’une catastrophe, il s’agit là encore d’un simple changement de point de vue.
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Si donc je repère à un niveau supérieur, mettons In+2 la fréquence de travail du niveau In+1, j’aurais une indication des perturbations vécues au niveau In ; et ceci structure de proche en proche, tout l’Imaginaire depuis le Réel, jusqu’au Symbolique.
C’est ici que je voulais vous amener : la mesure, en In+2 , du nombre de catastrophes au niveau In est une mesure de la fréquence de répétition au niveau In+1.
L’Imaginaire garde dans sa structure l’histoire des difficultés rencontrées et de leur résolution; comme l’ADN garde la mémoire de toute l’évolution animale jusqu’à l’Homme.
Corrélativement à la globalisation des concepts en jeu, lorsque l’on s’élève d’un niveau Imaginaire à l’autre, la fréquence propre des niveaux considérés diminue.
L’Imaginaire fractal L’arbre de connaissance que l’on peut construire à partir d’une simple action répétitive de dichotomie, est par construction une image fractale, c’est-à-dire qu’elle présente à quelque niveau où l’on se place, la même structure élémentaire, comme cette image en donne l’illustration.
La genèse même de l’Imaginaire, résultant d’une succession de catastrophes en cascade, suggère que les fréquences propres de chaque niveau Imaginaire, aient cette structure fractale. Ce qui serait un point théorique à établir formellement.
A la réflexion, cet aboutissement ne doit pas étonner. Que l’architecture de notre Imaginaire comme notre perception du temps soient fractales est somme toute la façon la plus économique d’organiser nos représentations. Nous retrouvons ici les conséquences dernières de notre point de départ, puisqu’il s’agit dans un cas comme dans l’autre de la répétition d’un même motif élémentaire.
Ceci offre un intérêt théorique considérable. C’est la possibilité de passer d’une description qualitative de notre Imaginaire, à sa caractérisation quantitative.
C’est la perspective d’une formalisation mathématique pour une «entropologie» à développer.
L’axe entropique Chaque nœud de notre arbre Imaginaire peut être modélisé sous la forme élémentaire du modèle sénaire vu précédemment.
Nous pouvons alors aligner tous ces niveaux semblables selon leur ordre hiérarchique : du plus englobant au plus élémentaire, du haut vers le bas.
Nous pouvons qualifier cet axe d’entropique : vers le bas, nous allons vers le multiple, vers le Réel, vers le haut, vers le semblable, le Symbolique.
De plus, une fois le modèle structuré, et lorsque je me situe au niveau supérieur de celui-ci, je peux expliciter le passage d’un niveau N au niveau N-1 par les lois de la physique.
Position relative de l’Observateur sur l’axe entropique L’observateur a 3 situations possibles :
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Dans un modèle élémentaire à 3 niveaux, nous avons toute la variété des positions possibles de l’Observateur, et de fait, c’est la structure la plus simple permettant de représenter complètement le jeu d’un Acteur quelconque, individu comme institution face à son environnement.
Position relative du Modélisateur et de l’Observateur Mais, dans cette description, où suis-je, moi qui prétend expliquer ce modèle ?
Lorsque je décris le jeu d’un individu ou d’un groupe à l’aide du modèle à 3 niveaux que nous venons de voir, je fais un discours sur cette représentation, je me situe donc en position ex-post par rapport à l’idée que je me fais de celle-ci. C’est la seule possibilité pour moi de prendre conscience d’un mouvement ou d’une évolution.
J’ai alors à ma disposition les outils du physicien : temps, mouvement, énergie, entropie, information.
Mais je peux être en position synchrone, sur le même niveau que le sujet observé : je fais en quelque sorte partie de son jeu : je suis en face de lui, dans la même action, mais je ne peux plus théoriser sur la situation, je la vis dans l’instant.
Je peux enfin être en position ex-ante, dans la même attente que lui, dans le même espoir ou la même inquiétude. C’est la position du prêtre, du chaman ou du psychanalyste qui partage le même questionnement Symbolique que le sujet en face de lui.
C’est la position dans laquelle le contact entre S & A peut prendre un sens, quelques soient les définitions que puissent recouvrir S & A ; qu’il s’agisse d’ailleurs d’un acte de foi ou d’une relation thérapeutique.
La possibilité relative du modélisateur et de l’Observateur est fondamentale : je dois savoir d’où je parle, et où se situe celui qui me parle.
Et l’axe entropique, défini précédemment, peut être l’outil commun à deux types de discours, qui se différencient uniquement par la position du modélisateur relativement à l’objet de son attention.
A côté de ses considérations théoriques, les conséquences pratiques du positionnement relatif du modélisateur ne sont pas moins importantes. Par exemple :
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La place de l’analyste dans la cure psychanalytique Lorsque je suis en position ex-post, l’utilisation de l’outil de modélisation qui vient d’être présenté permet de rendre compte avec une très grande économie de moyens de situations complexes au sein de toute organisation sociale. Je l’ai développée initialement pour analyser les dysfonctionnements bureaucratiques, et je peux dire que j’ai pu débrouiller des situations très complexes, simplement en les décrivant à l’aide de ce modèle. De surcroît, c’est un support visuel extrêmement simple pour transmettre le résultat d’une analyse.
Mais l’aspect le plus novateur est sans doute l’éclairage qu’apporte Lévi-Strauss avec sa forme canonique. C’est en effet l’acte créateur par excellence, qui permet de rendre compte de la genèse même de l’imaginaire, lorsque je suis en position ex-ante.
Je voudrais terminer cette présentation, en vous soumettant cette analyse que l’on peut faire de l’acte psychanalytique lui-même.
L’objet de la cure, bien qu’il s’agisse de réduire une souffrance réelle, reste d’ordre Imaginaire : il s’agit pour le sujet, justement nommé l’analysant, de «réparer» son discours. Le succès de la cure se juge au niveau Imaginaire et non au niveau Symbolique : «Je» ne suis pas sensé être modifié par la cure, si tant est que j’existe. Toutes ces considérations me font en effet douter qu’il y ait jamais aucune dialectique, aucun rapport entre «Je» et l’ «Autre» (entre les S et A de Lacan) au niveau Symbolique (qui logiquement n’est pas être structurable, puisqu’en dehors du discours). Je suis conduis à penser qu’ils forment ensemble un symbole ambivalent, au même titre que le Ying et le Yang, ou l’engoulevent et le fournier. Dans cette optique, la déconstruction du «Je» mène à l’ «Autre».
De même que la femme, dans les mythes de la potière jalouse peut être à la fois potière ou jalouse ; de même, me semble-t-il dois-je m’imaginer (Moi) comme issu de «Je» et/ou de l’ «Autre». Ce n’est plus «Je est un Autre» selon l’aphorisme Lacanien, égalité formelle entre deux entités disjointes, mais «Je & Autre» conjoints dans un même symbole, comme les deux faces de Janus, le dieu des passages et des commencements. Symbole dual se déclinant au niveau Imaginaire en la double dualité que l’on sait.
Dans la fonction recherchée, l’analyste est le signe (A) de l’une des faces du Symbole (S & A).
Si dans la cure la fonction de savoir s’applique à l’analyste et celle de guérir à l’analysant, on peut dès lors condenser la discussion précédente sous la forme canonique suivante,
F savoir (analyste) : F guérir (analysant) :: F savoir(analysant) : F analyste-1(guérison)
Autrement dit: si l’analysant est destiné à être semblable à l’analyste relativement à son savoir le concernant, à quoi peut-on comparer la guérison de l’analysant ?
La réponse tient là aussi à une double inversion appliquée sur le dernier terme
F analyste-1(guérison) :
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Ce qui me semble bien recouvrir ce que l’on peut comprendre de la fonction du Père et de son meurtre symbolique pour que j’advienne.
En conclusion, il me semble que l’on peut avantageusement utiliser notre mode de représentation pour rendre compte d’une relation extrême (i.e. impliquant un rapport au Symbolique) et que dans ce cas, la forme canonique du mythe de Lévi-Strauss peut encore rendre compte de l’action du psychanalyste, idée autour de laquelle Lacan lui-même tournait :
« C’est-à-dire qu’on arrive à cette espèce de communication magique, de plan d’analogie universelle, sur lequel beaucoup théorisent leur expérience, qui peut-être dans le particulier et le concret, souvent, est très fécond, très riche, très communicatif, mais qui est à partir de là non seulement absolument inélaborable, mais sujet effectivement à toutes les erreurs de technique. » CITATION Jac55 \l 1036 (Lacan, Le Séminaire Livre II – Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, 1954 -1955) p. 276
Dans la pensée mythique comme chez Lacan, il y a le constat d’une impossibilité à représenter le Symbolique, ce qui n’empêche pas d’en baliser l’accès, soit par le rite d’un côté, soit par l’analyse.de l’autre.
(repris de ici)
dans un sens strictement équivalent.